Anaïs Charles Dominique vient de livrer son dernier documentaire, « Le mal de l’ombre ». En ligne de mire, la filière bovine réunionnaise victime d’un malaise social et sanitaire depuis plusieurs décennies. En effet, dès les années 1970, les cheptels élevés à La Réunion sont touchés de plein fouet par la leucose bovine, une maladie « sans danger pour l’homme » clament les autorités. Et c’est justement cela que la journaliste a souhaité soulever. « Le mal de l’ombre », diffusé en octobre dernier sur La Première, est en replay jusqu’à fin décembre !
Remontons le temps. De 1982 à 1996, la filière bovine française connaît la crise de la vache folle. Tout le monde se rapelle le scandale sanitaire et la posture des autorités proclamant cette maladie « sans danger pour la santé de l’homme ». La suite, on la connaît. Avec un tel passif, on comprend donc parfaitement pourquoi le consommateur réunionnais se méfie aujourd’hui de son boeuf pays. Il le sait malade. Ce n’est plus un secret pour personne, les cheptels réunionnais sont atteints massivement par la leucose bovine. Cela fait plusieurs décennies d’ailleurs et depuis tout ce temps, les décideurs prônent le sans danger pour notre santé. En témoigne d’ailleurs la toute récente campagne publicitaire dédiée à la viande de boeuf locale.
Nouvelle campagne de pub pour le Boeuf Pays, signée par l’agence Kayamb.La leucose bovine a été éradiquée en France et en Europe depuis un bail. Or, à La Réunion faute de moyens financiers et logistiques, les autorités sanitaires ont décidé qu’ici, on n’appliquerait pas l’arrêté de 1990. Trente années sont passées. Des éleveurs ont été ruinés, plusieurs ont porté plainte contre les coppératives. On leur aurait vendu du bétail malade à leur insu… En vain. Chacun campe derrière ses certitudes et autres études… En clair : c’est la pagaille.
À qui faire confiance ?
C’est dans ce contexte tendu que la journaliste, Anaïs Charles Dominique et son équipe, ont décidé de se lancer dans une enquête à la fois passionnante et édifiante. « Nous avons souhaité réaliser un sujet pour réunir les principaux éléments de cette affaire et faire le point sur les connaissances disponibles à ce jour. Ce travail a été long et laborieux, il a demandé beaucoup d’engagement de la part de toute notre équipe », affirme TikTak Production.
Le sujet épineux et encore brûlant soulève les passions, divise et pose plusieurs questions : que fait-on du principe de précaution ? Peut-on encore faire confiance aux autorités sanitaires réunionnaises ?
De la Plaine des Cafres, en passant par Limoges ou encore la Californie en visio conférence, le film représente une mane d’informations inédites pour tous les consommateurs en quête de réponses. Chiffres, faits, abérations, témoignages … « Nous avons tourné pendant plus d’un an et demi « , souligne Anaïs Charles Dominique.
Le nombre d’éleveurs laitiers s’est réduit considérablement: de près de 300 dans les années 80, il est passé à 60 aujourd’hui. (photo : L.M)
Devant un sujet aussi sensible, on est en droit de se demander quelles ont été les retombées des parties mises en cause. « Juste avant la diffusion du film, la filière avait publié un communiqué en disant qu’ils seraient vigilants quant aux affirmations du documentaire et tout et puis plus rien… donc ils ont pas dû trouver matière à polémiquer », continue la journaliste. Juste après la diffusion, Emmanuel Macron, en visite à la Réunion en octobre dernier, annonce aux éleveurs que « la leucose bovine sera éradiquée en 4 ans ». En fait, ça ne semble pas être réalisable en moins de dix ans… Et puis, grande première dans ce dossier : la coopérative laitière, la SICA LAIT, jugée coupable de la contamination du chetpel de Monsieur Payet, un éleveur ruiné qui témoigne dans « L’ombre du mal ». Les lignes bougent… un peu.
« Le mal de l’ombre » d’Anaïs Charles Dominique est à voir en replay jusqu’à la fin décembre, cliquez ici.
Appel au mécénat : l’équipe du film a besoin d’aide
Tiktak Production qui porte ce documentaire a lancé une campagne de financement participatif. Objectif : 10 000 € et il reste 12 jours … » La campagne de financement c’est lié au sujet qui est difficile et du coup, on a eu plusieurs semaines de montage supplémentaires, pour dompter le sujet », confie Anaïs Charle Dominique la journaliste réalisatrice.
La collecte servira à boucler le budget, fabriquer les DVD, la version anglaise du film et pour les plus méfiants : « La plateforme Pro Arti, ne nous versa les sommes uniquement sur justification des dépenses », continue la réalisatrice.
Pour l’heure, 4725 € ont été collectés. Pour donner un coup de pouce à Tiktak Production, c’est par ici.