On vous propose de (re)voir le documentaire de Nantenaina Lova, “Zanaka ainsi parlait Félix”. Un film hommage.
Avec “Zanaka ainsi parlait Félix”, Nantenaina Lova souhaite “raconter l’histoire de l’insurrection anti-coloniale de 1947”. Une intention qui n’a pas toujours été simple, étant “confronté à la méfiance de certains résistants survivants. Pourtant, l’un d’entre eux a accepté de me confier son histoire. C’était Félix Robson, un homme de 86 ans” explique le réalisateur.
Le témoignage de “Dadabe Félix” se termine lors de sa déportation à Diégo. Que s’est-il passé après ?
Il est rentré à Antananarivo dans les années 1949 et il a travaillé comme vitrier. Il s’est marié et a eu beaucoup d’enfants.
Les colons de l’époque ont dit des résistants de 47 qu’il fallait les tuer jusqu’au dernier. Sa famille compte une centaine de membres. Il m’a donc dit qu’il a eu sa “belle revanche à la vie” car non seulement il n’a pas été tué mais il a eu beaucoup de descendants.
Pourquoi dessiner le portrait de Félix plutôt que de le montrer face caméra ?
C’est un choix artistique à l’écriture du projet. Comme en cours de production, le personnage est décédé, c’est aussi un film hommage. Je pense que c’est important pour nous en tant qu’auteur de proposer une esquisse de l’histoire de ce personnage qui raconte, non pas la grande Histoire, mais son histoire personnelle. Et j’ai cherché un moyen d’amener le spectateur à l’écouter plutôt qu’à regarder les images.
Quelle est la symbolique derrière ce dessin brûlé ?
Premièrement c’est une histoire d’hommage. Deuxièmement, c’est pour faire réfléchir le spectateur par rapport à l’histoire du pays. Nous avons tendance à tout brûler, à brûler notre histoire. En 2009, le pays a brûlé la radio nationale et toutes les archives audiovisuelles qui dataient de 60 ou 70 ans. Pour moi, c’est aussi interpeller notre rapport à la mémoire […] pour ne pas répéter les erreurs du passé.
Quelles traces cette colonisation a-t-elle laissé selon vous ?
Le film questionne la nouvelle génération : “Quelle est notre lutte pour libérer le pays du système néocolonial actuel qui me semble encore plus dangereux que la colonisation ?” Il évoque avec insistance le manque d’indépendance aujourd’hui, malgré le sacrifice des anciens pour conquérir la liberté et la souveraineté.
À l’époque c’était un pays qui colonisait un autre, mais actuellement, c’est plutôt des sociétés multinationales qui n’ont pas d’autres valeurs que la rentabilité et c’est encore plus dangereux que ce qu’on a connu avant.
Madagascar est devenu l’un des nouveaux eldorados. Il y a des gisements pétroliers ou gaziers, bradés à des entreprises minières. Il y a aussi l’exploitation du sous-sol : le cobalt, l’ilménite, le zircon, les terres rares. Ça ne bénéficie aucunement à la population locale. Il y a un drame humain et écologique.