AccueilMAGAZINERENCONTRESLa Réunion : l’homosexualité dans les courts métrages

La Réunion : l’homosexualité dans les courts métrages

 Cette semaine, on vous propose deux épisodes de “La vie devant soi”, d’Anaïs Charles Dominique. Une série documentaire dans laquelle le thème de l’homosexualité est abordé par des jeunes. Pour l’occasion, on a rencontré un bénévole de l’association OriZon Réunion qui lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et l’identité de genre. On fait le point.

Démavouz mon kor, extrait du film d'Aloïs Fructus

Extrait du film « Démavouz mon kor » d’Aloïs Fructus

Depuis 2015, l’association OriZon Réunion accompagne, soutient et écoute les personnes LGBTQI++, et lutte contre la haine anti-LGBT. Xylric Lepinay fait parti des bénévoles : haine anti-LGBT, tabous… On fait le point.

Propos recueillis par Céline Latchimy-Irissin.

OI>Film : Quelles sont les actions menées par l’association OriZon ?

Elles sont très diverses. Elles sont bien évidemment liées à la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Mais le “cœur” d’OriZon, c’est l’accompagnement auprès de personnes qui peuvent avoir des difficultés par rapport à l’homophobie ou la transphobie. 

Après, on aborde aussi le sexisme par moment, mais ce n’est pas non plus notre spécialité. On en parle parce que c’est lié, mais ce n’est pas l’une de nos grandes thématiques. À part ça, on s’occupe de faire de la sensibilisation dans les écoles et auprès des professionnels aussi. Nous avons aussi un groupe spécifiquement orienté sur la transidentité, sur la prise en charge médicale. Nous faisons aussi plusieurs événements. L’année dernière, on aurait dû en faire un certain nombre mais ça n’a pas pu se faire à cause de la situation sanitaire. Nous faisons des événements en général pour l’IDAHOT”, la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. On prévoit de faire un pique-nique des fiertés, dans le courant du mois de juin, et on se positionne aussi sur le festival Parey pas parey, organisé aussi par l’association Requeer.

On se positionne sur pas mal de choses, étant donné que, et c’est triste à dire, nous sommes peu d’associations sur place. On essaie donc de couvrir le maximum de choses, tant que c’est possible, avec notre équipe de bénévoles. Car il faut savoir que tout ce qu’on fait, ce sont essentiellement des gens qui donnent de leur temps. On a une employée, une vacataire et les autres sont des bénévoles.

OI>Film : Peut-on faire un point de situation à La Réunion : concrètement, y a-t-il une haine anti-LGBT sur l’île ?

On ne peut pas parler de haine spécifique à La Réunion. Par rapport à d’autres pays, il n’y a pas de châtiment réservé aux homosexuels. Après, dans la culture réunionnaise, il n’y a pas spécifiquement une forme d’homophobie. C’est-à-dire que dans la société réunionnaise, on n’est pas particulièrement homophobe pour une raison x ou y. Par contre, on a des actes homophobes qui ont lieu. Dans la société, c’est encore mal vu, mais c’est relié directement à notre conception du genre qui est en souffrance. On peut le voir au-travers les violences intra-familiales, notamment faites aux femmes, tout ce qui sort du masculin de façon générale, va rencontrer des difficultés à un moment ou à un autre. On est touché “par ricochets” j’ai envie de dire.

Il n’y a pas une mentalité homophobe particulière à La Réunion. On a des problématiques : par exemple, on a des soucis avec la religion notamment. Alors la religion peut être dans certains cas un outil d’acceptation particulièrement efficace. Toutes les personnes qui sont pratiquantes, doivent se poser la question à un moment donné, de comment elles vont aménager avec leur foi et le jugement qui risque d’être fait dans leur environnement proche. 

Il y a aussi le souci d’isolement. Malheureusement quand vous vivez à un endroit où tout le monde vous connaît, on vous a vu grandir et que c’est assez difficile de choisir le moment où l’on va faire son coming-out. En général, vous êtes “outé”, c’est-à-dire que ce sont des gens qui révèlent votre orientation sexuelle ou votre genre à votre place. Ce qui fait que beaucoup de Réunionnais préfèrent partir en Métropole pour pouvoir vivre pleinement leur vie. 

OI>Film : Existe-t-il des tabous en termes de sexualité et/ou d’orientation sexuelle dans la société réunionnaise ?

À La Réunion, on a un gros souci avec la sexualité en général. Là je me prononce en mon nom. Même dans les couples hétérosexuels, les hommes ou les femmes cisgenre, il peut y avoir de la complexité. On est clairement en retard par rapport à la métropole. On a un problème avec le genre et tout ce qui sort des codes, des attendus de ce qui est un “vrai homme” ou de ce qu’est “une vraie femme”. Forcément, ça se répercute sur la sexualité. C’est un ensemble.

extrait du film "Démavouz mon kor" d'Aloïs Fructus

Extrait du film « Démavouz mon kor » d’Aloïs Fructus

OI>Film : La série documentaire d’Anaïs Charles Dominique démocratise la parole des jeunes sur des sujets phares, comme la lutte contre l’homophobie, l’égalité hommes-femmes, le racisme… Selon vous, est-il important de donner et libérer cette parole ?

Leur donner la parole est nécessaire. Ils ont des choses à dire et peut-être même des choses novatrices qui vont fédérer des gens. La génération qui naît à partir de l’an 2000, est née avec Internet. Il y a certes de grands défauts mais aussi des avantages. Ils sont nés avec l’accès à toutes les causes militantes avec les réseaux sociaux. Ils peuvent se faire une autre idée de ce qui est dit dans leur milieu social, dans leur famille, dans leur collège ou leur lycée. Ils peuvent penser et agir autrement grâce à Internet et à l’ouverture sur le monde. Beaucoup de jeunes aujourd’hui ont une acceptation de la chose qui est incomparable à celle de la génération précédente. Il faut clairement leur faire confiance.

OI>Film : Selon vous,  les films comme « Démavouz mon kor » d’Aloïs Fructus ou autres, peuvent-ils participer à faire évoluer les mentalités, voire même permettre de changer les choses ?

Oui tout à fait. On a pu le voir ces dernières années avec des films comme “Petite fille” qui parle d’une enfant trans qui a 8 ans et qui est accompagnée et soutenue par sa mère. Elle rencontre des problématiques avec son école et ses amis, et c’est le fait d’avoir placé la caméra à hauteur d’enfant et de lui avoir laissé une place pour s’exprimer, de voir sa délicatesse et ses peurs… Il y a énormément de gens qui ont complètement changé leur fusil d’épaule grâce à ce film. 

Il y a beaucoup de personnes qui sont dans l’homophobie ou la transphobie par ignorance. À partir du moment où l’autre cesse d’être un fantasme et devient une vraie personne, avec un cœur, des vulnérabilités, une vie et des projets, quelque part ça remet les pendules à l’heure. On sort de la vision apocalyptique et parfois pas très claire de ce que devrait être une personne LGBT de façon générale. Et là, oui, on peut atteindre ces personnes là. En revanche, il y a une catégorie de personnes qui sont bien dans la haine et qui n’évolueront pas du fait de leur idéologie. On peut utiliser n’importe quoi pour justifier une haine LGBTphobe. On peut utiliser la religion, la tradition, la science, le “bon sens”… Ces gens-là, on ne pourra pas nécessairement les atteindre.

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Céline Latchimy
Céline Latchimy
Journaliste, rédactrice, elle s'intéresse à toute l'actualité de la Réunion et des îles de l'OI
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