En 2013, Anaïs Charles Dominique sort sa série documentaire “La vie devant soi”. La parole est aux jeunes. Racisme, sexisme, homophobie… Où en est-on aujourd’hui ? Rencontre avec la réalisatrice.
Propos recueillis par Céline Latchimy-Irissin.
Réalisée en 2013, « La vie devant soi » “est un clin d’œil à un livre de Romain Gary que j’aime beaucoup » confie Anaïs Charles-Dominique. Cette série documentaire aborde des sujets d’actualité à travers le portrait de jeunes acteurs de la société réunionnaise.
OI>Film : Pourquoi avoir choisi de faire des portraits de jeunes, et ces thématiques ?
Avec le portrait, on peut s’attacher à une personnalité et peut-être mieux comprendre un sujet d’actualité. Je voulais que ce soit les jeunes qui portent les messages pour s’adresser aux jeunes, car c’est avec leurs propres mots. Ce sont cinq portraits de jeunes qui sont engagés dans une cause et qui essaient de fédérer la société autour d’eux.
Pour les sujets de chaque épisode, je les ai choisis en fonction de ce qui me tenait à cœur : la langue créole, l’identité réunionnaise, le sexisme, le féminisme, l’homophobie, le racisme et l’égalité.
OI>Film : Les jeunes s’expriment dans ces épisodes. Est-il important de libérer cette parole ?
Oui, car en 2013, c’était encore une jeunesse qui avait du mal à se faire entendre et c’était aussi des thématiques dont on parlait peu. Par exemple, pour le sexisme, on était bien avant #MeToo et tout ce qui concerne le harcèlement. Le racisme anti-mahorais et comorien, personnellement je n’avais jamais vu de reportages ni de films sur ça à La Réunion. C’était un peu tabou car on est dans l’idée qu’il n’y a pas de racisme, que les communautés vivent en harmonie. On ne voulait pas trop casser ça en abordant ce sujet.
OI>Film : Entre le moment où cette série a été faite et aujourd’hui, pensez-vous qu’il y a eu du changement ?
Récemment, j’étais tombée par hasard sur un épisode de “lamour lé dou”, une émission de télé-réalité réunionnaise qui parle du mariage. Cette émission a pris comme candidates un couple de femmes homosexuelles. Ça a fait écho à ce que j’avais fait sur deux femmes qui vivaient ça à La Réunion 7 ans avant (La vie devant soi, épisode 3). J’ai trouvé qu’on avait avancé entre leur témoignage et la manière dont ça a été reçu par le public.
Pour le sexisme, je ne suis pas sûre que l’on ait avancé sur le harcèlement de rue et sur ce que vivent les femmes au quotidien.
OI>Film : Le cinéma peut-il faire évoluer les mentalités ?
Je pense, en tout cas j’espère car que ce soit en journalisme ou au cinéma, le but c’est de faire connaître. Au cinéma, on va donner la parole à quelqu’un qui va raconter ça sous un angle très personnel. Ça peut toucher quelqu’un au-delà d’un préjugé. Car au final, les stéréotypes sont nourris que par l’ignorance.