mardi, novembre 12, 2024
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« Après Nirin, j’ai eu mes réponses »

Originaire de Madagacar, Suisse d’adoption, Josua Hotz, réalisateur et concepteur multimédia, a réalisé Nirin en 2015. Le court-métrage raconte le trajet d’un petit garçon parti de son village pour « un grand voyage » avec sa mère et ses deux petits frère. Le jeune cinéaste se devait de tourner cette histoire dans son pays d’origine. Quant à la thématique de l’abandon… Josua nous explique comment « Nirin » l’a aidé a otenir des réponses sur sa propre histoire. Confidences. 

Vous êtes originaire de Madagascar mais vous avez grandi en Suisse, pourquoi la Suisse et qui vous a élevé ? 
La Suisse est mon pays d’adoption. Je suis né dans un petit village à Madagascar dans la brousse. Puis j’ai grandi en orphelinat avec mes deux petits frères. Nous sommes venus les trois en Suisse et accueillis dans la même famille !

Quels souvenirs conservez-vous de ta vie la bas ? 
Très peu de choses. J’y ai vécu jusqu’à mes neuf ans. Il me reste quelques « flashs » du village, des souvenirs lointains.. Mais à l’orphelinat, les souvenirs sont plus clairs ! Et j’ai pu partager quelques anecdotes avec mes petits frères. 

Quel lien avez-vous conservé avec Madagascar et votre famille ?
Déjà à l’orphelinat, nous n’avions plus contact avec la famille. Ce n’était qu’en 2001, lors de notre retour au pays que nous avons rencontré la famille au village. 

Est-ce que vous avez déjà envisagé de retourner habiter à Madagascar ? 
Oui (Rires) plusieurs fois. Mais ici en Suisse, Mada me manque mais là-bas c’est l’inverse… En Suisse, je me sens autant Malagasy qu’à Mada je me sens Suisse. Et encore faut-il que je ré-apprenne la langue ! Mais peut-être qu’un jour je retournerai sur la Terre des Ancêtres ! 

Réaliser un film à Madagascar, c’était une évidence pour vous ? 
Le désir de filmer là-bas est venu très lentement. Comme si c’était caché, refoulé ! Puis, c’est grâce à mes intervenants, à l’école, qui m’ont poussé à faire ce film. Pour moi, c’était une évidence de filmer cette histoire à Madagascar mais il a fallu lutter pour sortir du « cadre » de l’école : trouver une production suisse puis, chercher un producteur exécutif à Mada, engager une équipe locale sans être sur place…

 

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Le choix de cette thématique n’est pas un hasard, c’est même extrêmement lié à votre histoire personnelle … 
Exactement ! Avant « Nirin », j’avais fait un court-métrage documentaire très intime sur mon rapport aux archives personnelles comme les albums photos. En effet, je ne possède pas de photos d’avant mes neuf ans. Le film raconte mes interrogations « d’avant », un peu une quête d’identité. J’ai trouvé le film « trop » intime pour le coup. C’est donc vers la fiction que je me suis dirigé. 
En classe, nous devions écrire un monologue très précis en « je ». Cette séquence pouvait être inventée mais je suis parti très vite sur un souvenir marquant : le trajet en taxi brousse, la nuit. Ce souvenir est resté très longtemps dans ma tête et je ne pouvais pas le situer ni dans le temps ni dans l’espace. Je pouvais juste décrire les personnes autour de moi, mes frères, ma mère, l’odeur du Diesel, les nids de poules… Tout était si précis. J’ai donc repris tous les « flashs », les souvenirs du village puis j’ai tissé des liens entre eux. La maison où nous vivions, le chemin de terre rouge, le marché, l’orphelinat,…

Comment avez-vous trouvé les acteurs ? 
Ce fut un long processus pour trouver les acteurs. Et nous avions moins d’un mois pour faire connaissance avec l’équipe malagasy, trouver les comédien.ne.s, faire les repérages et faire les essais. Avec mon assistant réalisateur Rianando Ludovic Randriamanantsoa et mon régisseur Michel Raonirina, nous avons écumé les écoles de théâtre, les écoles, l’IFM (Institut Français de Madagascar) et même des orphelinats. Un jour Ludovic m’a conseillé une association située dans la banlieue de Tana qui prenait en charge des enfants et c’est là que j’ai vu Andry Tafika et son frère Arnaud. Ce fut le déclic. Andry Tafika, Arnaud et même leur maman ont accepté de jouer dans le film ! Dans la scène du Taxibrousse, ce sont de vrais villageois. Dans le film, seule une personne est comédienne (la dame de l’orphelinat). Le casting sauvage a du bon ! 

 

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Comment s’est passé le tournage : êtes-vous allés à Madagascar plusieurs fois en amont ?
La dernière fois que je suis allé à Madagascar, c’était en 2001. Et 14 ans après, je reviens au pays avec un scénario. J’avais prévu de rester un peu plus d’un mois (un mois et 5 jours !) pour faire la pré-production (technique, casting, repérages,…). 

Combien de temps a duré le tournage ?
J’y suis resté un peu plus d’un mois dont une semaine complète de tournage. C’était très court car nous n’avions qu’un jour de battement entre le dernier jour de tournage et l’avion du retour ! Autant dire qu’on oublie les re-shoot (rires) ! Toute la team a fait un sacré boulot d’organisation !
L’équipe était composée essentiellement de Malagasy sauf ma cheffe opératrice Julia Sangnakkara. Elle a fait une spécialisation Image et nous sommes partis tous les deux à Mada rejoints par Laetitia Cervini, assistante de production suisse (Louise Productions).

On a presque l’impression que c’est un documentaire plus qu’une fiction, c’était le parti pris ?
Nous étions partis sur de la fiction, donc des textes et des intentions. Les « comédien.ne.s » devaient donc s’adapter au texte tout comme la technique d’ailleurs. Avec des non-pro et des enfants, ce n’était pas possible. Finalement, nous sommes partis sur l’idée que c’est l’équipe et la technique qui devaient s’adapter aux comédien.ne.s et non pas essayer de les mettre dans un cadre. Nous connaissions les intentions de jeu et nous nous adaptions en fonction de ce qu’il se passait devant nous. Et également de recréer des moments de solitude avec les enfants, des moments de joie, de tristesse, etc. La caméra et le son étaient toujours prêts à enregistrer. Les comédien.ne.s étaient déjà en costume, même pour les trajets sur les lieux de tournage. Tout était filmé. Nous essayions de capter l’instantané, un moment très furtif, une émotion éphémère.. 

 

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Qu’avez-vous souhaité dire à travers Nirin ? 
Beaucoup et peu de choses à la fois. Juste raconter une histoire qui se passe tous les jours n’importe où dans le monde. Des histoires que l’on préfère taire. Mais des histoires qui refont surface un moment ou un autre. Car étant enfant et, même plus tard, on se pose beaucoup de questions sur « l’avant ». Et j’ai la chance de pouvoir le raconter en images, mettre des sons, faire des films. 

vez-vous obtenu des réponses à vos questions depuis la réalisation de Nirin ? 
Juste après le tournage de Nirin, je suis retourné au village accompagné de Ludo et de Michel (mes traducteurs !). Là-bas, nous nous sommes posés avec les villageois et ils nous ont raconté la «  vraie » histoire. La réalité dépasse la fiction ! Ce fut un choc énorme (et émotionnel) ! 

Pouvez-vous nous parler de Songe d’une nuit et de Sing ?
Songe d’une nuit a été réalisé dans le cadre l’ECAL (Ecole Cantonale d’Art de Lausanne). Chaque étudiant devait choisir un tableau du peintre Félix Vallotton et écrire une scènette. Ce fut également dans le cadre de l’atelier direction d’acteurs/actrices avec Hippolyte Girardot. J’ai essayé de mettre de l’humour mais raté (rires)

Sing!  est une grande expérience. Après Nirin, je voulais essayer un autre genre, la comédie musicale. Je ne connaissais rien du tout, sauf les classiques « Chantons sous la pluie » et « West Side Story ». Le film fut réalisé dans le cadre du Festival de Courge Métrage à Neuchâtel. Les consignes sont simples: 1 film par réalisateur, 1 lieu défini, 2 jours de tournage, 1 musique originale, 1 affiche et 5 minutes maximum. Autant dire que j’ai dévoré les « making of » sur internet. Puis, je me suis entouré d’une équipe professionnelle entièrement bénévole (60) et motivée. Mais on l’a fait! C’était un sacré challenge ! mas j’aime les projets ambitieux !   

Un mot sur votre actu ? 
Je travaille en tant que coach d’atelier Multimédia dans une mesure d’insertion professionnelle pour des jeunes adultes en rupture. En parallèle, je travaille en tant qu’indépendant (free-lance) dans la vidéo. Et je continue à écrire mes projets de films. Autant dans mon travail que dans mes projets de films, j’accorde beaucoup d’attention sur l’enfance et l’éducation. Peut-être pour ne pas oublier que nous sommes toujours de grands enfants !

 

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Laurène MAZIER
Laurène MAZIER
Rédactrice polyvalente et expérimentée
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