En 2012, Erika Etangsalé commence à écrire “Lèv la tèt dann fénwar”. Un travail d’écriture qui commence réellement en collaboration avec Jonathan Rubin, son producteur, en 2016. Cinq ans plus tard, son film est primé au FIDMarseille. Rencontre.
Propos recueillis par Céline Latchimy-Irissin.
Le FIDMarseille, un des principaux festivals internationaux compétitifs en France, accueille chaque année environ 23 000 spectateurs pendant une semaine. “Le festival présente un grand nombre de films en première mondiale, de premiers films, et s’impose aujourd’hui comme un gisement de nouvelles cinématographies, productions documentaires aussi bien que fictions” précise l’équipe du festival sur son site. En chiffres, c’est 7 jours, 130 films programmés, 50 films en compétition, 2901 films soumis et 13 prix décernés.
Parmi ces prix, deux sont destinés au film d’Erika Etangsalé. Son documentaire “Lèv la tèt dann fénwar”, produit par We Film, y fait sa première mondiale. Il en ressort primé ; non pas une, mais deux fois et reçoit le “prix premier” et le “prix Marseille espérance”.
“J’ai été surprise” déclare sobrement Erika Etangsalé. “Ça fait plaisir que des personnes, en dehors de l’île, soient touchées par l’histoire de La Réunion. La première chose que je trouve importante, c’est que les Français aient conscience de l’histoire de leur pays, notamment avec les Outre-mer” ajoute la réalisatrice.
OI>Film : Parlez-nous de “Lèv la tèt dann fénwar”.
Mon film se construit à partir de la trajectoire de vie de mon père qui est parti travailler en France hexagonale, encadré par le Bumidom : organisme qui était chargé de l’immigration des habitants des départements d’Outre-mer vers la France métropolitaine.
OI>Film : Quel a été le point de départ du film ?
C’est le fait de porter en moi une certaine souffrance et une grande colère que je ne comprenais pas. C’est en venant à La Réunion et en découvrant l’histoire de l’île, en creusant, que j’ai compris… On transmet de générations en générations des choses mais tant qu’on a pas mis la lumière dessus, tant que c’est pas en pleine conscience, je dirais que ça nous pollue. […] Quand j’étais à l’ILOI, j’avais déjà fait un court métrage sur cette histoire-là (« Seuls les poissons morts suivent le courant« , à voir sur OI>Film). Mon père ne me parlait pas. Quand j’ai fait ce court métrage, j’ai posé la question à mon père et là ça a débloqué sa parole : il m’a déversé toute son histoire. D’un seul coup, c’est comme si qu’on avait enfin un dialogue. Il ne nous en avait jamais parlé, même ma mère ne connaissait pas.
OI>Film : Quels ont été les choix esthétiques ?
Il y en a plusieurs. À l’origine, je voulais faire un film à partir d’archives, ce qui a évolué quand même car au début il y avait beaucoup plus d’archives que ça. Je voulais glisser des images recréées, re-fabriquer de la mémoire. Ce qui impulse ce désir là c’est le fait qu’à La Réunion on ait très peu d’images d’archives de cette époque, du Bumidom. Ce qui explique le choix de tourner en pellicule et avec la caméra Bolex, avec laquelle on peut faire des plans de 25 secondes maximum. Elle nécessite de faire des choix et d’être sûre de ce que vous devez filmer. Cela donne plus de valeur aux images. Je voulais qu’il y ait une homogénéité entre les archives et les images.
« Lèv la tèt dann fénwar », un documentaire à retrouver en salles en décembre à La Réunion, durant 15 jours.