Documentaire de Frédéric Lambolez et Jean-Marie Pernelle. Durée : 50 minutes. La Réunion (2018). Sur l’Île de la Réunion, les boutiques de quartier sont des lieux de convivialité, symboles du vivre-ensemble et de l’âme créole. Dans le quartier de l’Hermitage, la boutique chinoise « TiKaf », célèbre pour ses concerts et sa déco jamaïcaine, résistera-t-elle mieux que les autres à la pression d’un développement économique qui met à mal le petit commerce ?
Depuis plusieurs décennies, au cœur du quartier créole de l’Ermitage à la Réunion, la boutique chinoise TiKaf de la famille Wong Tze Kioon est le point de rencontre où l’on commence et termine ses journées.
Monsieur et Madame TiKaf, les propriétaires, ont su y insuffler toute leur générosité et préserver un lieu convivial incontournable en dépit de la pression touristique environnante qui transforme les modes de vie. Les habitués, s’y retrouvent régulièrement pour boire un verre et discuter à l’ombre du vieux manguier. Mais depuis que Monsieur TiKaf, le propriétaire, est tombé malade et malgré le courage de son épouse qui s’occupe de la boutique, Ah-Kioon, leur fils aîné, est toujours réticent à leur succéder. Dans ce quartier devenu aujourd’hui un des hauts lieux balnéaires de la Réunion, est-ce bientôt la fin de cette boutique si emblématique ?
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Note d’intention
« À la fin de l’esclavage, en 1848, la Réunion fit appel à des engagés chinois. En fin de contrat, certains repartirent au pays, d’autres s’installèrent définitivement à la Réunion, comme le grand-père de Monsieur TiKaf. Commença alors l’histoire des boutiques chinoises, petites échoppes-épiceries qui, au fil du temps, devinrent de véritables institutions à la Réunion. C’est là que l’on pouvait acheter toutes sortes de denrées et où le crédit était possible. Ce sont aussi des lieux de rencontres où l’on passe chaque jour avant le travail pour retrouver des amis et, en fin de journée, pour y boire un verre. Les boutiques ont perduré au fil des générations jusqu’à ces dernières années où elles commencent à disparaître : les enfants des dernières générations chinoises refusent maintenant de reprendre ces boutiques familiales et préfèrent des métiers plus rémunérateurs et moins contraignants.
La vie de la boutique TiKaf permet de raconter l’histoire de cette famille chinoise emblématique et de parler de la question créole dans le monde contemporain. C’est de la survie de la boutique qu’il est question à travers la vieillesse de Monsieur TiKaf, le propriétaire, qui passe aujourd’hui la plupart de son temps dans sa chambre à l’étage, affaibli par la maladie.
Ah-Kioon, son fils aîné, celui à qui est « destinée » la boutique, s’interroge sur la succession, partagé entre loyauté et renoncement. Marié et père de deux enfants, ce jeune quinqua hésite à avoir une activité plus rémunératrice et moins prenante, comme ses frères et sœurs. Mais cette boutique représente pour lui bien plus qu’un simple travail. Tout comme ses enfants qui jouent aujourd’hui par terre avec les bouchons de canettes de bière, c’est ici qu’il a lui-même grandi et qu’il a ses souvenirs. C’est lui, le jeune baroudeur qui, patiemment, a rapporté de ses nombreux voyages de jeunesse, tous les objets hétéroclites qui créent la décoration si singulière de la boutique. Pour l’heure, Ah-Kioon essaie de « donner la main » et remplace sa mère dans la boutique, le soir et le week-end. À travers son histoire, c’est la vie d’un quartier créole que nous découvrons ».