Un film de Olivier Carrette, 52 minutes, Fiction, Drame © 2018.
Le cirque de Mafate. C’est ici que vit Johan, dans une cabane construite à l’écart de tout. Solitaire, il s’est adapté à la survie dans la nature. Un soir, il reçoit la visite d’une jeune fille qui l’emmène chez elle : une case enfouie dans la végétation, au chevet d’un enfant mourant.
Mais quelqu’un l’a vu ce soir-là, où l’enfant est mort, entrer dans la case. Quelques hommes du village réunis dans la forêt, le désignent coupable, le poursuivent, détruisent sa cabane et le chassent du cirque.
La critique d’OI>FILM
Oubliez la carte postale, les images verdoyantes, sculpturales et ensoleillées du cirque de Mafate que l’on a l’habitude de voir. « Le Mafatais », d’Olivier Carrette nous montre une toute autre réalité. Une réalité dépeinte par un belge, photographe, réalisateur notamment de films d’animation. Autant d’ingrédients pour une recette inattendue et savoureuse.
Dans ce moyen métrage, Olivier Carrette n’a donc pas l’ambition de vendre du rêve. Même si son œil de photographe insuffle au film des prises de vues somptueuses et un grain d’image travaillé, la narration, elle, se veut rude.
Le Mafatais s’appelle Johan. Il vit dans le cirque de Mafate, comme un marginal. Entre les lignes, on imagine les raisons de son isolement. La consanguinité, l’inceste, la violence, la mort d’un enfant, la vie d’ermite dans les bois, il est sale et porte les mêmes vêtements, il vit dans une cabane de fortune et partage son quotidien avec une espèce de chien étrange et effrayant … Pas facile facile ! Et dire qu’il n’est pas encore descendu dans la civilisation, la vraie !
Johan va donc finir par fuir, quitter son île au cœur de l’île. À la manière d’un chien errant, Le Mafatais rejoint le littoral et découvre une autre vie tout aussi rude qu’était la sienne, mais d’une autre manière. L’alcool, le vol, les bagarres, les sans abris, le racisme, le travail au noir et puis, au milieu, Le Mafatais découvre quand même l’amour. Une jeune femme originaire du Port se laisse séduire tout en se moquant un peu de ce « clochard » qui sort de son trou du cœur des montagnes. Ironique de la part d’une réunionnaise qui n’a jamais quitté sa propre ville.
Toujours à la manière d’un chien sauvage, mais libre, Le Mafatais évolue dans cette jungle urbaine réunionnaise jusqu’à ce qu’il commette l’irrémédiable. Entre la misère sociale et l’infortune du jeune homme, des plans sur la Nature rythment l’histoire, comme s’il se calaient selon les états d’âmes du garçons. L’océan devient un personnage à part entière.
L’ambiance du film est quasi-envoutante. La lenteur de l’action assoit le drame et pourtant, tout est si beau ! Même l’espace portuaire industriel revêt un esthétisme poétique. Entre le suspens et le quotidien chaotique de ce jeune homme libre, « Le Mafatais » nous laisse un arrière goût aigre-doux. Entre le tumulte des vagues et la beauté des paysages, ce film porte à réfléchir, à imaginer, à interpréter. En bref, tout ce qu’on aime.
Crtique de Laurène Mazier
Un mot sur le réalisateur
Olivier Carrette
Né à Bruxelles en 1972, Olivier Carrette achève en 2000 des études en cinéma expérimental d’animation à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre à Bruxelles. Passionné d’image, il s’intéresse également à la photographie.
En 1997, il s’engage dans une première démarche photographique avec plusieurs clichés ramenés d’un voyage aux Etats-Unis et au Mexique. En 2008, il réalise sa première exposition de photographies sur Madagascar, dans le cadre de la plateforme « recherche et paysage » de l’Ecole des Beaux-Arts de la Réunion et gagne le concours du département coopération de la Communauté Européenne, où la série est exposée. Il poursuit en 2012 avec une série d’images dans l’Océan Indien, entre la Réunion, Madagascar, en Inde, dans l’Utar Pradesh et au Cachemire.
En 2004, il réalise un court-métrage d’animation, « Les Aventures de Molman » coproduit et diffusé par Canal+. En 2011, il réalise « The Nuklear Family », court-métrage d’animation également coproduit et diffusé par Canal+ dans le programme Surprises et dans les émissions le Mensomadaire et l’Oeil de Links.
Parallèlement, il s’essaie à la fiction en images réelles en 2006 avec un court-métrage de fiction auto-produit, co-écrit avec un scénariste réunionnais : « Sous l’emprise des cannes » présenté au Festival du Film d’Afrique et des Iles en 2006, et projeté dans divers festivals à travers le monde (Tarifa, Cinema Pobre de Cuba, …).
Contacté en 2016 par le directeur de création de la chaîne anglo-américaine Nickelodeon, il développe un pilote d’animation : « Molman & Barnett ».
En 2015, il entame l’écriture du moyen-métrage en images réelles : « Le Mafatais », il mettra trois ans pour mettre au monde ce beau bébé entouré d’une équipe réunionnaise !