À l’occasion de la sortie du documentaire “Cachez ce saint !” sur OI>Film, découvrez les explications de son auteur réalisateur, Bernard Crutzen.
Journaliste, cinéaste et cameraman Belge, Bernard Crutzen est un habitué des documentaires : il en a signé une vingtaine ! Il parcoure le monde depuis longtemps et traite des sujets sensibles toujours en quête de vérité. Du moins, de quoi susciter le débat. Découvrez ses explications concernant son documentaire sur Saint-Expédit, « Cachez ce saint ! Sur les traces d’Expédit« .
La genèse du projet
L’idée de ce film m’est venue lors de mon séjour à l’île de la Réunion (1999 > 2007). Frappé par la multitude d’autels dédiés au Saint, j’ai réalisé pour une chaîne thématique un court documentaire sur St Expédit. J’ai d’emblée été confronté au poids des superstitions qui entourent le personnage. Le chef opérateur local m’avait mis en garde contre le mauvais sort si je continuais à déplacer la statuette du saint avec légèreté. Lorsque j’ai fait une chute en ULM quelque temps plus tard, il était évident que je payais pour ces manipulations iconoclastes. En racontant cette anecdote dans ma famille en Belgique, j’apprends que St Expédit avait autrefois une importante chapelle à Dison, d’où je suis originaire. Je me suis alors intéressé de plus près à l’histoire de cet étrange personnage. Les travaux passionnants de Philippe Reignier, anthropologue à l’Université de la Réunion, ont achevé de me convaincre : Saint Expédit mérite bien un film, qui aille au-delà du folklorique et de l’anecdotique.
Propos recueillis par Céline Latchimy-Irissin.
OI>Film : Le ton général du film ?
Il pourrait être décrit comme « passionné et amusé ». Passionné parce que le spectateur va de découverte en découverte, à l’affût d’un indice, à la recherche d’une rencontre déterminante qui le rapproche d’une certaine réalité. Amusé parce que chaque découverte amène le spectateur à penser que le mythe de St Expédit repose sur une série de malentendus, de bricolages, de détournements. Il se dégage aussi une vraie empathie pour les admirateurs de St Expédit. Le ton n’est jamais sarcastique.
OI>Film : Le titre ?
« Cachez ce Saint ! » fait référence à un épisode marquant de la polémique Saint Expédit. Alors que les jésuites du Collège St Michel à Bruxelles contestent fermement la réalité historique d’Expédit, le Pape Pie XI prescrit l’enlèvement de ses images dans les églises. Le sous-titre « sur les traces d’Expédit » invite au voyage exploratoire.
OI>Film : Un sujet d’actualité ?
Malgré une dimension « historique » indispensable à la compréhension, le sujet est très actuel. Le Vatican procède aujourd’hui à des béatifications en série, à des sanctifications accélérées. L’Eglise a besoin de modèles qui inspirent les fidèles. Mère Thérésa, le père Damien, le pape Jean-Paul II ? La machine à fabriquer les saints est en route, et on comprend mieux pourquoi un saint encombrant comme Expédit est finalement toléré par l’institution. Si sa vie ne fut pas un modèle (on ne connaît rien de lui), il a une « utilité » dans les sociétés marquées par les luttes de pouvoir où les laissés-pour-compte sont nombreux.
OI>Film : Pourquoi avoir décidé de le traiter de cette façon (road movie, voix off, vous n’apparaissez pas à l’écran) ?
Le choix du road movie s’est imposé lorsque j’ai découvert que St Expédit n’était pas seulement un saint « réunionnais » mais que son image s’était dispersé dans différents pays. Je me suis donc rendu en Turquie, au Brésil, en Italie, en Belgique, en France profonde… J’aurais aimé ajouter l’Argentine où Santo Expedito a aussi de nombreux aficionados. À l’époque (2010), les diffuseurs n’appréciaient pas d’avoir un narrateur « incarné » (pour reprendre le jargon) raison pour laquelle l’option d’apparaître à l’écran n’a même pas été discutée. C’est à partir de films comme « Demain » que la tendance a changé, et que les auteurs, narrateurs sont devenus visibles.
OI>Film : Comment a été financé le film ?
Le film a été financé par une coproduction avec FMC (Anne-Marie Latoison), France Ô (à l’époque RFO-Tempo) et le CNC. J’avais espéré un intérêt de la part de la Radio Télévision Belge, puisque ce sont des Jésuites belges (les « Bollandistes ») qui ont conservé toute la documentation sur l’histoire de St Expédit. Mais la chaîne, qui n’a pas visionné le film, craignait que je fasse la publicité d’un Saint catholique !
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